Publié le 21.05.2020
Maître Frédérick Wlodkowski
Droit des affaires
Avocat au Barreau des Hauts de Seine  
frederick.wlodkowski@coleurope.eu

Les opérations de structuration patrimoniale peuvent amener à démembrer des parts sociales ou des actions (que nous appellerons de manière générique des titres sociaux). L’opération de démembrement consiste en la séparation de l’usufruit, soit « le droit de jouir des choses », et de la nue-propriété, que l’on définira négativement par ce qui reste de la propriété, dont le droit de disposer de la chose (c’est-à-dire notamment la possibilité de la vendre).

Une fois que les titres sociaux sont démembrés et que les associés de la société souhaitent distribuer des dividendes, la loi prévoit que seul l’usufruitier a le droit aux dividendes prélevés sur le résultat, car les dividendes sont considérés comme un fruit. Néanmoins, la jurisprudence offre une possibilité afin que le nu-propriétaire puisse bénéficier des liquidités détenues par une société, à travers la distribution de réserves.

En effet, la première chambre civile de la Cour de cassation indique que : « si l’usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire ». (Civ 1re, 22 juin 2016, no 15-19.471)

Concernant la chambre commerciale, elle précise que « dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire ». (Cass. com. 27-5-2015 n° 14-16.246 ; Cass. com. 24-5-2016 n° 15-17.788).

Pour résumer la doctrine sur la distribution des réserves, si la chambre commerciale n’interdit pas la distribution des réserves au nu-propriétaire (elle le prévoit comme l’exception, par le truchement d’une convention entre les parties), la chambre civile le prévoit comme le principe.

En pratique, pour procéder à une telle distribution, il conviendra donc de convier une assemblée générale afin de :
(i) mettre en réserve le montant à distribuer au nu-propriétaire, et
(ii) autoriser la distribution, par un vote de la même assemblée, dans un second temps.

Une lecture attentive des statuts de la société est toutefois nécessaire afin de s’assurer qu’il n’existe pas de stipulations statutaires empêchant une telle distribution. Si c’est le cas, il faudra envisager une modification statutaire avant de procéder à ladite distribution.