Publié le 07.06.2020
Maître Marie Cayette
Droit immobilier
Avocat au Barreau de Paris
cayetteavocat@gmail.com
Vous avez acheté un bien en l’état futur d’achèvement et votre bien vous a été livré avec du retard.
Comment procéder pour obtenir une indemnisation de ce retard ?
1ère étape : Il convient d’analyser l’acte de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) pour savoir si des pénalités de retard sont prévues :
La vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est soumise aux articles L.261-1 et suivants et R.261-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH).
En cas de retard de livraison, aucune pénalité de retard n’est imposée par le CCH et ce à l’inverse du contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture de plan où des pénalités de retard doivent obligatoirement être insérées dans le contrat (article L. 231-2 du Code de la Construction et de l’habitation).
Au stade de la négociation et avant la signature de l’acte de VEFA, il est vivement conseillé d’être assisté pour faire revoir les clauses de l’acte afin notamment d’insérer des pénalités de retard.
Cependant, il convient de souligner que les contrats de VEFA contiennent systématiquement des clauses de prorogation du délai de livraison en cas de survenance d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de retard.
Les causes légitimes de retard sont définies et listées dans le contrat de VEFA et sont à titre d’exemple :
- les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d’œuvre d’exécution et dûment justifiés par les bulletins météorologiques ;
- la grève ;
- les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre et/ou d’arrêter les travaux y compris pour découverte de vestiges archéologiques ou accidents de chantier ;
- […]
Ainsi, il est régulièrement stipulé dans les contrats de VEFA qu’en cas de survenance d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de retard, la date de livraison se trouvera différée d’un temps égal à celui pendant lequel l’événement considéré aura mis obstacle à la poursuite des travaux.
2e étape : En cas d’absence de pénalité de retard dans le contrat de VEFA une indemnisation du retard reste possible
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La jurisprudence retient un manquement à l’obligation de résultat du vendeur en cas de retard de livraison d’un bien en VEFA
En matière de VEFA, la jurisprudence retient que même en l’absence d’une clause contractuelle prévoyant des pénalités de retard, le vendeur en l’état futur d’achèvement est tenu à l’égard de l’acquéreur d’une obligation de résultat, le manquement à l’obligation de livraison dans le délai contractuel ouvrant droit au profit de l’acquéreur à des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de ce retard.
Exemple en jurisprudence : Cour d’appel, Toulouse, 2e chambre, 5 Juin 2019 – n° 17/06073
Par acte authentique du 5 avril 2012, un promoteur immobilier, a vendu en l’état futur d’achèvement à une société spécialisée dans la réalisation de logements à vocation locative et sociale, quatre appartements et huit emplacements de parking, au sein d’un immeuble à construire moyennant un prix de 410 880€, prix payable par tranches, en fonction de l’avancement de la construction. Ce contrat a fixé la date d’achèvement des travaux au 30 septembre 2012. Cependant, l’acte authentique de VEFA ne prévoyait pas de pénalité de retard à la charge du vendeur.
La Cour d’appel de Toulouse a retenu que la société avait subi un préjudice financier constitué :
- par la perte de la chance de pouvoir donner en location les appartements litigieux dès le mois d’octobre 2012 ;
- par l’impossibilité de donner en location les appartements passée la date du 26 mars 2014, le promoteur ne justifiant pas avoir levé les différentes réserves, les différents constats d’huissier établis postérieurement au 26 mars 2014 établissant le défaut d’achèvement persistant des travaux de construction et l’architecte confirmant dans un courriel du 7 juillet 2016 que de nombreux travaux de finition demeuraient en cours ;
- par l’obligation pour la société d’honorer les échéances d’un prêt destiné à la construction de l’immeuble sans la contrepartie de la perception de loyers qui devaient servir au remboursement de ce prêt ;
Ainsi, le promoteur vendeur qui n’a pas achevé la construction dans le délai contractuel, mais avec 17 mois de retard doit être condamné à réparer le préjudice financier subi par l’acquéreur.
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La règle des 1/3000e ne s’applique pas aux contrats de VEFA en cas de retard de livraison
En revanche, en l’absence de clause contractuelle dans le contrat de VEFA lui-même la jurisprudence a pu écarter une demande de pénalité de retard fondée sur la règle des 1/3000e.
A cet effet, la Cour d’appel d’Angers a récemment retenu que :
« M. F. réclame des dommages-intérêts d’un montant équivalent à 1/3000e du prix total de vente par jour de retard par référence à ce qui est habituellement convenu dans les contrats de vente en l’état futur d’achèvement.
Aucune stipulation contractuelle prévoyant ce type de pénalités n’est prévue par le contrat.
Il n’y a pas lieu dès lors en l’absence de volonté des parties exprimée à ce sujet et de preuve d’un dommage spécifique s’ajoutant aux autres préjudices allégués de faire droit à ce chef de demande rejetée à juste titre par le tribunal. » (Cour d’appel, Angers, Chambre civile A, 9 Juillet 2019 – n° 17/01260)
La Cour d’appel de Reims a également écarté ce principe de la règle de 1/3000e aux contrats de VEFA :
« Sur le montant des pénalités de retard demandées par les époux S. :
Il convient d’observer que la notion juridique de construction d’une maison individuelle est différente de celle de vente en l’état futur d’achèvement et que l’article applicable à cette dernière est bien l’article L261-11 du code de la construction et de l’habitation qui exige seulement la fixation de la durée de livraison, que les dispositions des articles R231-14 et L230-1 du code de la construction ne sont donc pas applicables en l’espèce » (Cour d’appel, Reims, Chambre civile, 1re section, 20 Mars 2018 – n° 17/00269)
En conclusion, même si aucune pénalité de retard n’est prévue dans votre contrat de VEFA il est toujours possible d’obtenir une indemnisation de ce retard devant un juge.